Amnesty sur Madagascar : Répression, recul sur la liberté d’expression et les problèmes de gouvernance
28/02/2016 |
2790 |
Commentaires Facebook
Amnesty vient de publier son rapport 2015/2016 sur la situation de la bonne gouvernance et de l’Etat de droit pour chaque pays. Concernant Madagascar, on a des mauvaises nouvelles et aucune bonne nouvelle pour compenser.
Amnesty sur Madagascar : Répression, recul sur la liberté d’expression et les problèmes de gouvernance
Si on lit le rapport d’Amnesty sur Madagascar concernant la période 2015/2016, on voit un recul de nombreuses choses qui étaient pourtant promises par le gouvernement. Amnesty revient sur les faits marquants au cours des 12 derniers mois.
La tentative de destitution du président
Le 26 mai, lors d’un vote à l’Assemblée nationale, une écrasante majorité de députés se sont prononcés en faveur de la destitution du président Hery Rajaonarimampianina. Celui- ci a contesté la légitimité du vote et en a rejeté le résultat. Le 13 juin, la Haute Cour constitutionnelle a rendu un arrêt favorable au président.
Pauvreté et maladie endémique
Le taux élevé de pauvreté qui touchait la plus grande partie de la population compromettait l’accès aux droits économiques et sociaux, notamment à la nourriture, à l’eau et à l’éducation, attisant les tensions sociales.
En août, une épidémie de peste a fait au moins 10 morts. Des dizaines de milliers de personnes ont été déplacées et au moins 19 sont mortes lors des fortes inondations survenues entre janvier et mars. Les vols de bétail, qui constituaient toujours un problème sérieux, ont été à l’origine de violents affrontements entre villageois et voleurs, au cours desquels plusieurs dizaines
de personnes ont été tuées.
Affrontement entre les forces de l’ordre et les voleurs de zébu
Les homicides visant des voleurs présumés de bétail étaient toujours très nombreux. Une opération militaire baptisée Fahalemana 2015, lancée à la mi-août pour combattre le vol de bétail, a provoqué plusieurs affrontements violents entre les voleurs et les forces de sécurité, faisant des morts dans les deux camps.
Plusieurs personnes soupçonnées de vol de bétail ont été exécutées de manière extrajudiciaire par l’armée. Des habitants ont été blessés et d’autres ont été tués. Aucune enquête n’a été ouverte sur ces homicides et personne n’a été amené à rendre des comptes.
Le 26 août, huit soldats et 15 voleurs de bétail présumés sont morts à la suite d’un affrontement à Ankazoabo-Sud. Des témoins ont déclaré que les forces de sécurité de l’État s’étaient livrées à des attaques aveugles contre des villageois soupçonnés de voler du bétail. En septembre, au moins 18 personnes, dont un policier, trois villageois et 14 voleurs présumés de bétail, ont été tuées au cours de heurts violents dans la commune d’Ivahona. Selon des témoins, des militaires auraient plus tard sommairement exécuté les suspects.
Le 2 septembre, on a signalé l’exécution extrajudiciaire de trois personnes après que les forces de sécurité étaient entrées dans le village de Tsarazaza Maevatanana pour procéder à des contrôles d’identité.
Recul de la liberté d’expression pour les activistes
Des militants écologistes risquaient la prison pour avoir critiqué l’exploitation de certaines ressources naturelles, et en particulier l’abattage illégal de bois de rose.
Le 22 mai, le militant écologiste Armand Marozafy a été condamné à six mois d’emprisonnement et à une amende de 12 millions d’ariarys (3 650 dollars des États- Unis) après la divulgation sur les réseaux sociaux d’un courriel personnel dans lequel il signalait que deux agences touristiques locales étaient impliquées dans un trafic de bois de rose. Le tribunal de Maroantsetra l’a jugé coupable de diffamation au titre d’une loi controversée sur la cybercriminalité.
Droit des enfants et les conditions dans les prisons
En mars, l’UNICEF a signalé que 47 % des enfants de moins de cinq ans souffraient de malnutrition chronique et que leurs conditions de vie étaient durement touchées par divers facteurs tels que la privation de logement, une mauvaise alimentation et l’absence d’accès aux services de santé de base.
Les prisons étaient surpeuplées et plus de la moitié des prisonniers étaient en détention provisoire. Les rations alimentaires des détenus ont été réduites de plus de 50 % en 2015 selon le Comité international de la Croix-Rouge, ce qui présentait de graves risques sanitaires.
Des problèmes qui montrent que le pays s’effrite en petits morceaux
Si on regarde individuellement ces problèmes, on peut penser que ce sont des incidents qui sont liés à des domaines précis. Mais si on les combine ensemble, alors on peut voir une situation de Madagascar qui s’effrite progressivement dans tous les domaines. Certes, on ne va pas accuser le gouvernement de tous les maux, car il y a de nombreux problèmes à régler en même temps, mais on a l’impression que les autorités ne font pas preuve d’une cohérence dans leurs actions.
Parfois, ils font un pas de progrès pour deux pas en arrière. On a également une politique de réaction plutôt que d’anticipation. Si Amnesty se concentre sur les faits marquants, on doit aussi ajouter l’insécurité rampante qui est en train de dévaster tous les ménages. Qu’on soit riche ou pauvre, on peut se faire attaquer chez soi ou dans la rue. Les affaires de kidnapping et les braquages montrent une insécurité qui est devenue une norme plutôt qu’une exception.
Nous sommes déjà bien avancé en 2016, mais les solutions brillent par leur absence. On entend déjà les cris de la famine dans le sud tandis que le nord fait face à des inondations. Les maladies endémiques comme la peste. Un nouveau rapport de l’OMS indique que Madagascar compte pour 74 % des cas de peste dans le monde avec 2 404 sur 3 248 cas reportés depuis 2010. Sur ces 2 404 cas, on a eu 476 morts. Le manque de moyens et de sensibilisation a aussi provoqué de forme de peste plus sévère comme la peste pneumonique.
La peste est une maladie facile à éradiquer et à traiter. Mais l’absence des infrastructures ou leur vétusté contribue au retour de la peste chaque année. Et si ce n’est pas la peste, on a également le choléra qui apparait dans les zones touchées par les fortes pluies et le manque des installations sanitaires.
Une pauvreté généralisée, une baisse de l’éducation des enfants, la corruption qui gangrène des pans entiers de la société, la disparition de la biodiversité avec le trafic de bois précieux et d’autres ressources. On a beaucoup de problèmes et un manque cruel de financement. Et pourtant, le gouvernement trouve de l’argent pour organiser un sommet de la francophonie dont tout le monde s’en fout royalement. Est-ce que la francophonie possède une formule magique qui va régler tous les problèmes du pays pour qu’on lui accorde autant d’importance ?
Source: Boubakar Nguema - housseniawriting.com