Comment l’ex-président malgache Marc Ravalomanana tente de revenir
6/04/2015 |
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En résidence surveillée depuis son retour d’exil en Afrique du Sud, en octobre 2014, Marc Ravalomanana vient de demander à ses partisans d’arrêter les manifestations qu’ils tenaient depuis six ans. Objectif à peine voilé : la reconquête du pouvoir. « Nous allons cesser les manifestations pour que l’on ne nous prenne pas pour un frein à l’apaisement et un facteur de blocage. » Tels sont les premiers mots de Marc Ravalomanana lorsqu’il arrive samedi 21 mars sur la place Magro, à Antananarivo, où l’attend un bon millier de sympathisants.
Beaucoup ont été prévenus quelques heures seulement avant la venue de l’ancien président malgache dans ce lieu emblématique de sa chute en mars 2009, et où ils se rassemblent chaque semaine depuis six ans pour réclamer son retour. « J’avais dit que tant que je ne serai pas présent avec vous ici, les manifestations ne cesseront pas. C’est chose faite. Le moment est venu de vous consacrer à la réconciliation nationale », a poursuivi celui qui faisait sa première sortie publique depuis qu’il a été placé en résidence surveillée à son retour au pays, en octobre 2014, après un exil de plus de cinq ans en Afrique du Sud.
Ce retour surprise avait fait craindre une résurgence de troubles dans la capitale malgache, d’autant que les sympathisants de Marc Ravalomanana, son épouse Lalao en tête, n’avaient eu de cesse d’appeler la population « à se soulever ». L’ex-président a été autorisé à sortir de sa résidence de Faravohitra, sur les hauteurs d’Antananarivo, où il est confiné, pour demander à ses soutiens de se faire plus discrets. C’est ce que confirme son porte-parole, Mamy Rakotoarivelo, également secrétaire général du TIM (Tiako i Madagasikara, « J’aime Madagascar »), la formation politique de Marc Ravalomana. Il ajoute qu’il s’agit d’un « accord, sans contrepartie » avec le gouvernement et l’actuel chef de l’Etat, Hery Rajaonarimampianina.
« Ce qui est important, c’est la réconciliation nationale, dit Mamy Rakotoarivelo. Il a voulu montrer sa bonne foi dans ce processus et sa volonté d’avancer. » Après les troubles qui ont occasionné son éviction du pouvoir, Marc Ravalomanana a été condamné par contumace aux travaux forcés à perpétuité lors du procès des auteurs d’une tuerie qui a fait une trentaine de morts devant le palais présidentiel. Les avoirs de ce multimilliardaire en ariary (la monnaie malgache), roi de l’agroalimentaire et ancien maire d’Antananarivo, ont été gelés. Rien n’indique que sa première apparition publique depuis plusieurs mois est un signal vers une libération prochaine.
Agé de 65 ans, il semble pourtant multiplier les appels du pied. Son leitmotiv aujourd’hui est la réconciliation nationale. Il s’agit d’une série de débats à travers les 22 régions du pays dans l’optique d’apaiser les esprits et de faire la lumière sur les différences crises politiques qui ont secoué Madagascar – la dernière a duré de 2009 à 2013. Un député, plutôt proche de l’actuel chef de l’Etat, croit savoir que cette initiative, même si elle est soutenue et encouragée par Hery Rajaonarimampianina, est une manœuvre de Marc Ravalomanana, afin de revenir dans le jeu politique.
L’élu s’appuie sur le fait que les débats sur la réconciliation nationale sont menés par le FFKM, le Conseil des églises chrétiennes de Madagascar, une instance présidée par le pasteur Lala Rasendrahasina, également président du FJKM, l’église réformée de Madagascar. Il est considéré comme un proche de Marc Ravalomanana qui est lui-même vice-président et principal financier de cette église depuis 2001.
Des fidèles du FJKM étaient d’ailleurs présents le 21 mars à la place Magro. Massy, une Tananarivienne de 59 ans, membre de l’église réformée, est venue au rassemblement avec sa Bible. Celle qui a perdu son travail de caissière, il y a six ans, affirme être prête à agir pour la réconciliation nationale. Mais elle confie aussi prier pour le retour de « Dada » (père en malgache), comme elle surnomme Ravalomanana.
A Antananarivo comme à l’intérieur des terres, le président déchu en 2009 a conservé une grande popularité. Illustration de l’adhésion dont il bénéficie, le candidat de son parti à la présidentielle de 2013 était arrivé en tête dans la capitale. Autre signe interprété comme une stratégie de reconquête, la confidence faite par le secrétaire général du parti Tiako I Madagasikara, Mamy Rakotoarivelo, d’une éventuelle candidature de Lalao, l’épouse de Marc Ravalomanana, à la mairie d’Antananarivo lors des élections communales théoriquement prévues en juillet 2015. Avec l’idée selon laquelle « qui tient la capitale tient le pays ».
Mais les Malgaches ont des préoccupations plus urgentes : l’emploi, la santé et l’éducation : 92 % de la population (22 millions d’habitants) vivent avec moins de 1,50 dollar par jour, selon des chiffres de la Banque mondiale. Peu d’entre eux prennent encore les promesses des politiques pour des paroles d’évangile.
Source: LE MONDE