Madagascar: imbroglio autour du projet d'une nouvelle Cour spéciale
15/06/2016 |
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A Madagascar, cette semaine, les députés vont devoir examiner le projet de loi de lutte anti-corruption, tant attendu par la communauté internationale. Mais ils risquent également de se pencher sur un autre projet de loi, rédigé cette fois directement par la présidence. Un projet de loi rattaché au très délicat processus de réconciliation nationale, et qui vise à créer une Cour spéciale pour juger les délits économiques et financiers. Un projet qui inquiète et soulève de nombreuses interrogations, du côté des observateurs.
C'est un imbroglio dont le système judiciaire malgache se serait bien passé.
Après une dizaine d'année de résultats médiocres en matière de lutte contre la corruption, en attestent les rapports de Transparency International, le projet de loi sur les Pôles anti corruption (PAC) semblait enfin montrer l'ambition de Madagascar à lutter de façon crédible et efficace contre la corruption.
Mais à quelques jours de l'examen de ce projet de loi par les députés, est apparu un autre projet de loi, relatif à la « réconciliation nationale », émanant de la présidence du pays, et auquel le ministère de la Justice n'a pas participé. Un projet critiquable, d'après les observateurs, pour plusieurs raisons.
Cour spéciale
D'abord, ce texte vise à créer une Cour spéciale pour juger les infractions économiques et financières commises entre les années 2002 à nos jours. D'après une source proche du dossier, « cette loi raccroche des infractions qui sont de l'ordre de la délinquance en col blanc de très haut niveau, comme les détournements de fonds publics, le blanchiment d'argent ou le trafic de bois de rose. Des infractions qui n'ont rien à voir avec la réconciliation nationale ! »
Par ailleurs, avec cette loi, les complices des auteurs de crimes et délits seront jugés par cette Cour spéciale pour des faits qui ne sont pas liés à la crise politique. Le risque est que des bandes organisées bénéficient de l'impunité de la justice, ou, au contraire, reçoivent de très fortes sanctions.
Juridiction superflue ?
Autre critique : la désignation arbitraire des membres de cette Cour spéciale par le président de la Cour suprême. Bref, avec ce projet de loi, c'est une nouvelle juridiction « parallèle » pour les dirigeants et leurs complices qui se profile.
Une juridiction superflue, car entre la Haute cour de justice - prévue dans la Constitution mais encore jamais mise en place - et les Pôles anti corruption prévus dans le premier projet de loi, toutes les institutions compétentes pour juger dirigeants et simples citoyens seront déjà créées.
Contacté par téléphone, le ministre de la Justice, qui devra,cette semaine, défendre les deux textes au Parlement, n'a pas souhaité s'exprimer.
Source:Rfi