José Andrianoelison - « Les Malgaches sont devenus des marginaux dans leur propre pays »
22/01/2017 |
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Même s'il a « une vie assez remplie », celui qui fut le plus jeune ministre de la Deuxième République ne se désintéresse pas pour autant du sort de Madagascar et des Malgaches.
« C'est à se demander si c'est notre sort à nous les Malgaches. Où sont les techniciens, les experts, les politiques, les personnes de bonne volonté ? La situation devient de plus en plus grave. Ce n'est pas la destinée de Madagascar d'être pauvre. Notre chère patrie est appelée à être une île heureuse comme le met d'ailleurs en relief notre hymne national ». Le polytechnicien plus connu sous le sobriquet de « José kely » dans le microcosme trouve « paradoxal le fait que le destin de Madagascar échappe au Fanjakana et aux Malgaches. Ces derniers sont complètement désemparés. Ils se sentent en état d'insécurité permanent et craignent pour leur avenir. C'est à chacun de trouver des solutions personnelles ».
Explosion sociale
L'ancien ministre exclut néanmoins l'éventualité d'une nouvelle crise. « Ce ne serait pas bon pour le pays. Nous allons encore régresser si nous démantelons ce qui est encore utilisable ». En revanche, il pense qu' « une explosion sociale n'est pas à écarter si l'Etat continue d'entrer en conflit avec le peuple ». Prenant l'exemple de Vangaindrano, il s'interroge « pourquoi quand il s'agit de s'opposer au fokonolona, la Gendarmerie arrive sur place, alors qu'elle n'est pas toujours présente lorsqu'il s'agit de défendre le fokonolona ». Il ne cautionne pas toutefois « la justice populaire qui n'a pas sa place dans un Etat de droit ». A son avis, c'est un problème de crédibilité de l'Etat qui laisse la question aux autorités locales et au fokonolona. « On ne traite pas les causes de la vindicte populaire qui risque de faire tache d'huile si on laisse les gens régler leur problème à leur niveau ». Il estime qu'un président de fokontany élu et non désigné aurait plus de légitimité et serait plus écouté par le fokonolona dans ces affaires de justice populaire.
Dépérissement de l'Etat. « José kely » de réitérer que « les Malgaches ne peuvent plus définir leur avenir ». Et de faire remarquer que « les terres et richesses nationales sont accaparées par les étrangers qui sont là pour faire du profit, sans se soucier du bien commun ». Pour l'ancien ministre de la Réforme agraire, « les Malgaches ne sont plus maîtres sur leurs terres. Pire encore, ils se mangent entre eux et/ou mangent les miettes qu'on veuille bien leur laisser ». Les Malgaches, y compris les opérateurs économiques, ne savent plus à quel saint se vouer devant la défection de l'Etat-providence. José Andrianoelison de conjuguer même au présent le passé décomposé en rappelant le concept marxiste de « dépérissement de l'Etat ». Concernant justement l'Etat qui est, d'après lui, « réduit à gérer l'urgence », il trouve « illogique que face aux problèmes de la Jirama, le portefeuille de l'Energie soit géré par un ministre intérimaire quel que soit sa compétence ».
« Bizina ». Le Polytechnicien qui est lui-même un pur produit de l'Ecole de la République (française) de faire remarquer que « les Malgaches qui ont suivi des études à l'extérieur ne rentrent pas toujours au pays alors que les enfants d'autres communautés comme les Karana qui sont sortants de HEC, Harvard, Sup de Co... reviennent à Madagascar pour épauler leurs parents et perpétuer leurs activités. « José kely » de souligner dans la foulée « la capacité d'absorption de toute nouvelle technologie par les Malgaches tout particulièrement les jeunes qui ne sont pas condamnés à faire du « bizina ».
Sursaut national. Dans la foulée, José Andrianoelison de toucher « maux » de la politique nationale de recrutement des maîtres Fram. Lesquels n'ont pas forcément tous, le niveau requis. « A supposer qu'un maître Fram s'occupe de 50 élèves, s'il y en a 10 000 qui n'ont pas le niveau, 50 000 enfants malgaches seraient sacrifiés alors que beaucoup d'erreurs ont été déjà faites dans le domaine de l'Education depuis 1972 ». Celui qui avait eu la chance et surtout les capacités de faire prépa à Paris avant d'intégrer Polytechnique estime qu'« on ne va pas continuer comme ça ».
70e anniversaire. C'est pour cela qu'il prône « au nom de l'intérêt commun un sursaut national car les Malgaches sont en train de devenir des marginaux dans leur propre pays». Même si ce n'est plus à la mode, il continue de croire au progrès. « Il faut reprendre les choses à la base. La refondation ne se limite pas à des colloques ou symposiums », déclare-t-il. Tout en restant optimiste. Avant d'ajouter que « c'est sur notre histoire et nos valeurs qu'on peut (re)construire la Nation malagasy ». Qui plus est, signale-t-il, au moment où l'on va célébrer le 70e anniversaire de l'insurrection de 1947 que les différents orateurs à la grand'messe d'Iavoloha ont totalement et unanimement occultés, alors qu'ils avaient parlé de « fitiavan-tanindrazana ».
Source:Allafrica