A Madagascar, des ouvriers en grève bloquent la mine d’Ambatovy
6/04/2015 |
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Un barrage de fortune dressé à l’entrée du chemin de graviers qui mène au site et le regard volontairement farouche suffisent à la trentaine d’ouvriers assis par terre pour bloquer l’accès à la grande mine de nickel et de cobalt d’Ambatovy, à Moramanga, dans le centre sud de Madagascar, à 80 kilomètres d’Antananarivo. Ils sont en grève depuis le 16 mars.
Quelques jours avant, deux de leurs collègues ont été arrêtés avec quatre employés d’un fournisseur de la société canadienne Sherritt, principal actionnaire de la mine d’Ambatovy. Le géant minier les accuse du vol d’une cargaison de 900 000 litres de carburant, soit l’équivalent de 31 camions-citernes et surtout, selon la direction d’Ambatovy, « l’équivalent de plus d’un million de dollars. »
Les concernés, toujours en détention provisoire, nient les faits et sont soutenus par les représentants syndicaux qui ont aussitôt réclamé leur libération sans condition. « Ils doivent être libérés, Ambatovy doit leur apporter assistance car ils sont présumés innocents », explique un mineur, qui se dit « déterminé à aller jusqu’au bout ».
Les conséquences du débrayage
Autre revendication des grévistes, une amélioration de traitement entre le personnel expatrié – qui bénéficierait d’une meilleure prise en charge médicale – et les quelque 1 300 employés malgaches de la mine.
Si les responsables d’Ambatovy affirment que l’usine de raffinage située à Toamasina, à plus de 220 kilomètres vers l’est, et dont les équipes ne sont pas en grève, n’a pas été affectée au tout début du mouvement, elle commence cependant à pâtir des conséquences du débrayage des mineurs de Moramanga.
« L’usine de Toamasina reçoit moins de minerais et sa production a été réduite de 40 %, ce qui est considérable. Nous poursuivons le dialogue, mais nous sommes face à un mouvement où les revendications varient souvent et prennent une tournure étrange », déclare Louis Roland Gosselin, vice-président chargé du développement durable du projet minier Ambatovy.
« Une cargaison d’armes à feu »
Mercredi 25 mars, en fin de matinée, deux gendarmes ont débarqué sur le site de Moramanga avec un ordre de perquisition au motif que « selon plusieurs renseignements, une cargaison d’armes à feu et de munitions a été entreposée dans l’enceinte de la société ».
Mais en lieu et place d’un ordre de perquisition, il s’agit d’une demande d’ordre [de perquisition] adressée le 24 mars au procureur d’Antananarivo par le chef de service des affaires criminelles et spéciales. Sur la lettre figurent un tampon rouge et une simple mention « vu et accordé ». Pour Ambatovy, qui se défend de stocker des munitions sur son site de Moramanga, la document porté par les gendarmes suffit pour conclure à « une possible machination ».
Sous couvert d’anonymat, un cadre malgache de la société confie que la demande de perquisition pourrait être liée à la grève des mineurs en cours. « Ils cherchent à torpiller les négociations. En fait, ils sont soutenus par certains hommes politiques avec qui Ambatovy a eu des relations houleuses pendant la période de transition [entre 2009 et 2013]. »
Forcer le barrage
Pour envenimer encore plus la situation, les responsables du ministère du travail multiplient les déclarations contradictoires, estimant tantôt que la totalité des ouvriers sont en grève tantôt qu’une partie seulement est concernée. Tôt mercredi matin à Moranga, 501 employés ont réussi à forcer le barrage et à entrer dans la mine, selon des indications fournies par le responsable du site, Roger Lacerte.
Ambatovy, un consortium canadien, japonais et sud-coréen, a démarré sa production en 2012 avec pour objectif d’exploiter 60 000 tonnes de nickel et plus de 5 000 tonnes de cobalt raffiné annuellement pendant trente ans. Ses responsables affirment que, pour l’instant, la grève des mineurs d’Ambatovy ne risque pas d’affecter la production totale de 2015. Pour l’instant seulement, car les grévistes, eux, semblent déterminés.
SOURCE: Le MONDE