Olivier Mahafaly: comme chef du gouvernement malgache, «je vais essayer de donner l’exemple»
8/05/2016 |
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Le dimanche 10 avril 2016, Olivier Mahafaly, alors ministre de l'Intérieur et de la Décentralisation depuis 2014, était nommé Premier ministre suite à la démission contestée de son prédécesseur. En plus de ce poste de chef de gouvernement, il conserve son poste de ministre. Homme de confiance et fidèle du président Hery Rajaonarimampianina, il est l'un des membres fondateurs du parti présidentiel, le parti Force nouvelle pour Madagascar (HVM). Le bilan de cet administrateur civil en tant que ministre est nuancé : ainsi, en deux ans, les problèmes sécuritaires dans l'île n'ont pas été résolus. L'opposition l'accuse aussi d'avoir fait pression sur des maires en vue d'encourager l'élection de candidats HVM aux dernières sénatoriales. Toutefois, celui qui représente « le changement dans la continuité », assure avoir établi un gouvernement de combat et promet aux Malgaches, des résultats sous quatre mois. Le contexte social très tendu et la misère toujours plus présente, promettent au nouveau Premier ministre un début de mandat compliqué. Olivier Mahafaly a choisi RFI pour sa première intervention auprès d'un média international. Interview réalisée par Sarah Tétaud.
RFI: Vous avez été nommé au poste de Premier ministre le 10 avril, en remplacement de Jean Ravelonarivo. Vous êtes un fidèle du président. Vous faisiez déjà partie des deux précédents gouvernements. Lundi, comme le stipule la Constitution, vous vous rendrez devant l'Assemblée nationale pour présenter aux députés votre programme de mise en Åuvre de la politique générale de l'Etat. Qu'est-ce que vous allez dire aux députés ?
Olivier Mahafaly: J'ai déjà donné mes priorités lors de mon discours de passation de service. J'ai déjà annoncé le ton. Ce que je vais dire aux députés, c'est justement pour leur confirmer que je voudrais mener vraiment des luttes, c'est-à -dire la lutte contre la pauvreté, la lutte contre l'insécurité et la lutte contre la corruption. Il y a également un grand chantier qu'on devrait mettre en Åuvre, celui de la décentralisation.
Je vais essayer, dans la mesure du possible, de résoudre d'abord d'une manière vraiment urgente - puisque là il y a urgence - les problèmes liés à cette pauvreté. Il y a des gens qui n'ont pas accès aux services sociaux de base. On va donc essayer de faire en sorte que, cette fois-ci, le côté social ne soit pas négligé. On ne va pas du tout négliger des projets à long terme, des projets structurants mais, tout d'abord, il faut essayer de penser à ces gens qui sont vraiment dans la pauvreté totale. Ils méritent vraiment un égard particulier.
Pardonnez-moi monsieur le Premier ministre, mais cette lutte contre la pauvreté, ces projets sociaux⦠C'était également les priorités des précédents gouvernements et, aujourd'hui, pas grand-chose n'a bougé. Les gens sont dans la rue. Concrètement, comment, vous, vous comptez réussir ?
Actuellement, Madagascar n'est pas encore totalement sortie de la crise. Il nous manque énormément de ressources financières. Nous devons donc faire appel, qu'on le veuille ou non, à nos partenaires techniques et financiers. Avec le PAM [Programme alimentaire mondial des Nations unies] et l'Unicef, nous allons essayer de monter ensemble un projet, dénommé "Coà»t de la faim". Cela concerne tout Madagascar. Ces activités sont budgétisées et, comme nous n'avons pas suffisamment de ressources, nous avons fait appel aux partenaires techniques et financiers pour que l'on puisse vraiment mette en Åuvre ce projet.
àa, c'est un projet. Mais pour tout le reste, pour cesser les délestages récurrents de la Jirama [Compagnie nationale d'eau et d'électricité malgache], pour lutter contre le trafic du bois de rose, comment comptez-vous faire concrètement et qui doit financer ?
En ce qui concerne la Jirama, le problème ne date pas d'aujourd'hui mais nous allons essayer de faire en sorte que ce problème soit résolu, d'abord d'une manière progressive. Là , nous n'allons pas tenir un langage de bois. Nous essayons d'abord de stabiliser les tarifs de la Jirama pour que les retombées négatives ne soient pas perceptibles au niveau des ménages.
Tout ce que nous entreprenons en ce moment, c'est pour que nous puissions vraiment bénéficier de ces financements extérieurs. Nous attendons par exemple la facilité élargie du crédit. D'ici peu, on attend les émissaires du FMI [Fonds monétaire international]. Nous allons essayer d'honorer nos engagements, à savoir la lutte contre la corruption au niveau de l'administration ou encore la lutte contre l'exploitation abusive de nos richesses d'une manière illégale. Tout cela fait partie des exigences de nos partenaires et nous espérons, dans les jours qui viennent, qu'il y aura donc le déblocage des fonds, surtout de la part de nos bailleurs traditionnels.
Honorer ses engagements. A mi-mandat présidentiel, il y a eu pour l'instant que très peu de réalisations malgré toutes les promesses qui ont été faites. Les grèves se multiplient en ce moment dans différents secteurs d'activités, ce qui signifie que les Malgaches globalement ne sont pas satisfaits du travail du gouvernement. Vous dites que vous exigerez de vos ministres des résultats. Comment comptez-vous vous y prendre ? Comment jugerez-vous qu'un ministre a atteint ses objectifs ou non ?
Il faut que chaque ministre puisse vraiment présenter sa feuille de route et que cette feuille de route corresponde vraiment aux besoins de la population. Nous allons travailler cela ensemble. La semaine dernière déjà , il y a eu un Conseil de ministres spécial avec des techniciens du Comité des bailleurs et là , nous avons pu avoir un document de 900 pages. Les membres du gouvernement vont s'inspirer justement de ce document et des activités des projets qui les concernent. Ce sera avec ça qu'ils élaboreront leur propre feuille de route et ils seront jugés à travers cette feuille de route.
La population aura-t-elle accès à cette feuille de route ?
Bien sà»r. Il ne faut pas que la transparence soit un vain mot.
Il y a le fait que les observateurs ont été un peu déçus en voyant la composition de votre gouvernement. Beaucoup de têtes connues qui ont déjà eu l'occasion d'agir avant, mais qui n'ont pas forcément apporté de résultats escomptés, voire même des personnes suspectées d'avoir participé à des actes de corruption. Qu'est-ce que vous répondez à ces attaques ?
Ce que je dis toujours c'est que si vous avez des preuves, vous pouvez apporter vos preuves. C'est à partir de là que le gouvernement réagira. Avec le président, nous avons essayé de faire en sorte que l'on puisse marier la technicité et la politique. De toute façon, on ne peut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Ces gens-là ont été choisis parmi tant d'autres, pour leur technicité d'abord, mais ils sont aussi issus de divers horizons politiques. Donc, je n'entre pas dans ce jeu-là . Peu importe ce qu'on dit, l'essentiel pour moi, c'est d'avancer pour que l'on puisse avoir des résultats dans les meilleurs délais.
Avec cette grogne sociale ambiante, y a-t-il un risque de renversement du régime, comme l'ont évoqué certains proches du gouvernement ?
Toutes ces grèves sont, apparemment, des revendications syndicales mais aujourd'hui je peux vous dire que ce ne sont plus des revendications syndicales, ce sont des revendications purement politiques et il y a des gens qui ont tendance à renverser le régime. Mais jusqu'à quand va-t-on agir de la sorte ? On a déjà emprunté la voie de la démocratie. Il faut privilégier l'alternance démocratique.
Après les sommets de la Comesa [Marché commun de l'Afrique orientale et australe] et de la Francophonie, il y aura les préparatifs de la présidentielle. Avez-vous, selon vous, été nommé parce que vous avez mené à bien les municipales et sénatoriales lorsque le HVM, parti au pouvoir, avait tout raflé ?
Si on m'a choisi parce que j'ai été efficace, tant mieux. Il n'y a pas que les élections que j'ai réussies. Il ne faut pas oublier que je suis aussi ministre et, jusqu'à maintenant, en charge de la Décentralisation. Allez demander aux partenaires techniques et financiers, il y a quand même des chantiers que nous avons mis en place et je peux dire que maintenant, la mise en Åuvre de la décentralisation est sur la bonne voie.
Que dites-vous aux auditeurs malgaches qui vous écoutent et qui m'ont confié, à plusieurs reprises, qu'ils n'avaient plus d'espoir dans la politique de leur pays, plus d'espoir depuis deux ans ?
Plus d'espoir, c'est triste mais nous sommes là justement pour essayer de redonner espoir à ces gens-là . Il faut donc mettre une croix à toutes ces gabegies et à tout cela. Moi, en tant que chef du gouvernement, je vais essayer de donner l'exemple, d'abord. Le gouvernement va essayer de déployer tous ses efforts pour que les activités que nous allons entreprendre puissent profiter vraiment à ces gens qui vivent dans la pauvreté.
Source: RFI